Nous ne gagnerons pas cette guerre (Maxime Morin)
La bonne surprise de cette fin d’année, c’est Nous ne gagnerons pas cette guerre de Maxime Morin.
Normalement, je n’accepte pas les Service Presse. Mais Maxime me l’a demandé vraiment gentiment, et il ne voulait pas de bienveillance et un retour sincère. Je suis flattée qu’il me soupçonne d’être capable de bienveillance, mais je n’ai rien dit, j’ai juste accepté.
Le thriller d’action, ça n’est pas trop mon rayon. Pan pan boum boum, quand ça bouge dans tous les sens et qu’il n’y a pas de puzzle intellectuel, mais juste un héros qui veut sauver le monde. Donc mettons au point les choses tout de suite : je ne suis pas du tout le cœur de cible de ce roman.
RESUME
14 juillet 2016, attentat terroriste à Nice. Un poids lourd fonce dans la foule. Population abasourdie, autorités impuissantes, la nation va être la proie d’un second massacre, ciblant une crèche municipale.
Vingt-trois enfants et neuf membres du personnel, tous confrontés à des fanatiques. Pas de négociation possible, ceux-ci se déchaîneront dès leur arrivée. Tirs à vue, pistolets semi-automatiques et fusils d’assaut, jusqu’à l’intervention des unités d’élite, où ils déclencheront leurs explosifs.
Ce carnage, un homme va passer une nuit à s’en persuader.
Dix ans auparavant, il perdait sa fille et sa femme dans une tuerie où police comme justice avaient failli. Atteint du syndrome Asperger, et désormais en proie à une dépression sévère, il décide d’agir seul, et se rend sur les lieux.
Il est neuf heures lorsqu’un premier individu franchit les portes de la crèche.
MON AVIS
C’est le premier livre que je lis de Maxime Morin, même si Veux-tu diner avec moi est dans ma Kindle depuis un bon bout de temps. J’ai été attirée par la personnalité de l’auteur que je croise sur des groupes de lecture Facebook depuis deux ans et par l’environnement. Nice, j’y ai vécu quelques années et je connais bien le coin, les odeurs, les couleurs – et la mentalité.
Le livre n’était pas sorti, je ne m’attendais donc à rien lorsque je l’ai commencé. Par contre, je sortais du Constant Gardener, magistralement adapté d’un roman éponyme de John Le Carré (et que je te recommande).
Bien que j’aie à redire sur le début de Nous ne gagnerons pas cette guerre, je l’ai refermé avec un sentiment de satisfaction lectorale que j’éprouve assez rarement : ça marche.
La technique & la structure
Rien à dire. Il y a des hauts, des bas, un début, un milieu, une fin, un personnage qui évolue, des ruptures de chronologie, bref, rien à dire de ce côté.
Le rythme, qui est l’impératif du genre, est très soutenu. J’ai lu le bouquin d’une traite, presque étonnée d’être rivée à ma Kindle. Ca fonctionne bien, on tourne les pages à toute vitesse.
J’ai été particulièrement interpelée sur la partie relative aux activités occultes dont je ne dévoilerai rien de plus. Ca aurait pu ressembler à du Wikipedia dans le texte, et là, non. La description technique est très fluide, sans aspérité, et elle s’intègre parfaitement au roman, à tel point qu’on n’a même pas l’impression qu’on est en train d’en apprendre plus en trois pages que tout ce qu’on a lu avant. Je suis toujours très satisfaite quand je referme un bouquin en ayant appris des choses et c’est le cas. Chapeau pour la pédagogie.
Les personnages
Je pourrai chipoter sur la bourgeoise, qui a des côtés un peu stéréotypés, mais dans l’ensemble, je trouve que les personnages sont très bien campés, bien décrits, bien utilisés. Je préfère de la psychologie plus approfondie pour les personnages principaux et secondaires, mais j’ai bien conscience que c’est un goût personnel qui n’est pas universel et qu’en plus, ça ne colle pas dans les codes du genre. En l’état, le personnage principal, qui n’est pas banal mais je ne te dirai pas pourquoi, est très bien travaillé, avec, là encore, beaucoup de pédagogie et de fluidité.
Le négatif
Je n’ai pas aimé le style du premier tiers. Je l’ai trouvé lourd, ampoulé, avec trop d’adjectifs, trop de phrases compliquées, trop de mots pas toujours à propos, avec des méandres tels que je devais revenir en arrière pour retrouver le sens. Tu imagines un mec canon, mais avec trois caleçons, deux chemises, un collant, un pantalon, deux pulls, deux doudounes, une écharpe, un bonnet. Au bout d’un moment tu en as marre de le déshabiller sans voir de peau et tu te dis que tu vas renoncer et t’en trouver un plus facile. Je te le dis : ne renonce pas. A un moment du livre hop ! le surnuméraire s’efface et le style devient sec, enlevé et précis, suffisamment riche sans être pompeux et là, les pages s’enchaînent.
A noter que, dans ce premier tiers, je ne critique que le style. Il y a par ailleurs de belles descriptions et des remarques touchantes.
“Ce qui m’a toujours le plus atteint, et par conséquent le plus fragilisé, c’est ma recherche perpétuelle de la perfection. J’ai toujours vécu avec la conviction sincère que la perfection était la finalité de chaque action, de chaque réflexion. Ma logique intellectuelle m’incitait à penser que le mieux était l’ami du bon, que toute consécration d’un objectif ne pouvait être que son apothéose”.
Tu penseras à moi en refermant ce bouquin, je pense, parce que ça souligne quand même la grande technicité dont fait preuve l’auteur. Même si je me dis aussi que ce n’était peut-être pas conscient et que tout ça est le résultat du boulot de son subconscient.
Bref. Si tu aimes les thrillers d’action, je te conseille de plonger dans Nous ne gagnerons pas cette guerre, qui fait parfaitement le job, à savoir te faire tourner les pages en t’emmenant loin de ton quotidien (enfin, j’espère) et même si le détour par le cours Saleya était amer, il m’a remis dans les yeux les couleurs, le marché aux fleurs et la pizzéria bleu marine tout au bout donc j’ai oublié le nom, mais pas l’ambiance.
Merci Maxime.