La femme en vert (Arnaldur Indridason)
Deuxième volet des enquêtes de Sveinsson, l’enquêteur islandais de la Cité des Jarres, la femme en vert aborde le thème de la violence conjugale sur fond de découverte mystérieuse d’un squelette dans une banlieue de Reykjavik
Le polar dit nordique mis à l’honneur par Sjöwall et Walhöö tire souvent vers la littérature blanche en ce sens que l’enquête policière est un prétexte.
Prétexte à décrire des social-démocraties pas très éloignées de la France, prétexte à s’intéresser à la psychologie des personnages (Qui sont-il ? Pourquoi prennent-ils ces décisions ? Qu’est-ce qui les jette sur ces chemins hasardeux ?) avec l’objectif plus ou moins lancinants de nous interroger sur notre propre existence mais aussi sur notre rapport au monde. Prétexte également à dénoncer les maux dont souffre notre société, à travers le prisme de l’auteur bien entendu, mais souvent par d’autres biais, comme l’intervention de personnages dont la trajectoire interroge nos propres choix.
On se trouve ici à mille lieux du thriller à la française qui multiplie les actions et ne s’appesantît pas sur l’introspection ni les descriptions des lieux ou des sentiments.
Arnaldur Indridasson s’inscrit à merveille dans ce courant, avec un héros à la vie personnelle “normalement” compliquée (on n’est pas ici dans l’histoire du flic alcoolique qui déprime à cause d’un ongle incarné ou parce qu’il a assisté, impuissant, au tronçonnage de sa belle-soeur encore vivante) confronté à une situation policière. En parallèle, l’auteur nous raconte l’histoire d’une femme tombée sous la coupe d’un homme qu’elle a essayé en vain de quitter, qui la bat comme plâtre sous les yeux impuissants de ses enfants.
Je suis d’abord ressortie mitigée de la lecture de la Femme en vert. Le sujet me touche personnellement et je suis réticente à le lire, romancé, sous la plume d’auteur qui ne le connaissent pas dans leur chair. Il y a forcément des incohérences, des invraisemblances – mais elles sont mineures et arrivent à la fin du roman. Mitigée également à cause des circonvolutions et des obstacles “un peu trop” pratiques pour ralentir l’identification du corps.
Et pourtant. Et pourtant, la Femme en vert, comme d’ailleurs la Cité des Jarres, que j’ai du lire il y a 20 ans, continue de faire résonner sa petite musique discrète mais entêtante. Celle des romans si justes qu’ils laissent à leurs lecteurs une trace indélébile. Celle des romans si bien construits autour d’un thème (notre impuissance à aider ceux que nous aimons) qu’on ne les oubliera pas de sitôt.
Si vous n’êtes pas un obsédé du rythme, si une déambulation tranquille au pays d’Indridason vous convient, lisez la Femme en vert, c’est une valeur sûre.