Seul le silence (R.J. Ellory)
Voilà un exercice que j’affectionne particulièrement : comment te donner envie de lire un livre que je n’ai pas aimé ?
Je n’avais encore rien lu de R.J Ellory, et j’ai été alléchée d’une part par la somptueuse couverture de son dernier ouvrage et d’autre part par la critique dithyrambique qu’a fait Hedwige, de Tranches de livres, sur Les neuf cercles.
J’avais Seul le silence dans ma PAL, et l’éditeur proclamait :
Plus encore qu’un roman de serial killer à la mécanique parfaite et au suspense constant, Seul le silence marque une date dans l’histoire du thriller. Avec ce récit crépusculaire à la noirceur absolue, sans concession aucune, R. J.Ellory évoque autant William Styron que Norman Mailer par la puissance de son écriture et la complexité des émotions qu’il met en jeu.
Le résumé était plutôt alléchant :
Joseph Vaughan, écrivain à succès, tient en joue un tueur en série, dans l’ombre duquel il vit depuis bientôt trente ans. Joseph a douze ans lorsqu’il découvre dans son village de Géorgie le corps horriblement mutilé d’une fillette assassinée. La première victime d’une longue série qui laissera longtemps la police impuissante. Des années plus tard, lorsque l’affaire semble enfin élucidée, Joseph décide de changer de vie et de s’installer à New York pour oublier les séquelles de cette histoire qui l’a touché de trop près. Lorsqu’il comprend que le tueur est toujours à l’œuvre, il n’a d’autre solution pour échapper à ses démons, alors que les cadavres d’enfants se multiplient, que de reprendre une enquête qui le hante afin de démasquer le vrai coupable, dont l’identité ne sera révélée que dans les toutes dernières pages.
Un mystère, de l’émotion, un serial killer et un thriller, me suis-je dit, parfait ! Voila de quoi égayer mes soirées d’hiver.
Pas de chance. Seul le silence est au thriller ce que je suis à la discipline monastique. C’est un noir. Un noir bien serré, comme ces petits cafés italiens qui ont l’air d’être solides tellement ils sont amers. Et je n’aime pas les romans noirs. Pas par principe – si tu me suis, tu sais que je m’essaie régulièrement au genre, mais par manque complet d’affinités.
Je salue l’écriture, qui est tellement belle que c’est parfois presque de la musique.
Les moments exceptionnels – sporadiques, comme des nœuds serrés, irrégulièrement espacés tels des corbeaux sur un fil télégraphique – de ceux-là nous nous souvenons, et nous n’osons les oublier, car souvent ils ne sont que ce qu’il nous reste à montrer.
La culpabilité est une chose amère et indigeste, même lorsqu’elle est un manteau que tu t’es toi-même taillé sur mesure.
Quand tu aimes quelqu’un, tu le prends en entier, avec toutes ses attaches, toutes ses obligations. Tu prends son histoire, son passé et son présent. Tu prends tout, ou rien du tout.
Les remarques tombent juste et la vision de cette Amérique est sombre.
Ce n’est pas le monde, Reilly. Ce sont simplement quelques fous qui utilisent leur pouvoir sur des ignorants.
Seul le silence est un livre hypnotique – ou censément hypnotique – qui t’entraîne tout au long de l’existence de Joseph, ses joies (rares) et ses déboires (nombreux, cruels). Il n’y a pas d’enquête, ou à peine, à la marge, il n’y a pas de mystère – on devine assez bien qui ça pourrait être et ce n’est pas vraiment l’objet -, il n’y a pas de suspense ni de rebondissements. J’ai un peu honte de le dire, parce que ce livre est très beau, mais il n’empêche que je me suis ennuyée – erreur de casting uniquement et pas du tout une remise en cause de la très grande qualité de ce roman, qui obéit parfaitement aux codes du genre sans s’y enliser, magnifiquement écrit, aux personnages denses.
Comme tous les romans noirs (à mon avis, et c’est d’ailleurs ce que je leur reproche principalement), Seul le silence est l’histoire d’hommes et de femmes victimes des circonstances, des préjugés, de leur extraction sociale ou de l’adversité.
J’aurais aimé l’aimer parce que j’y ai retrouvé la musica que j’aimais tant chez Duras, j’aurais aimé l’aimer parce qu’il y a cette profonde tristesse en toile de fond qui est terriblement attachante.
Mais on ne peut pas se forcer à aimer, n’est-ce pas ?