Tu aimes la critique sociale et le polar ? Les chemins de la haine est fait pour toi. D’une écriture rapide et acérée, Eva Dolan croque sans complaisance le portrait d’une Angleterre rongée par les communautarisme et la haine de l’autre, réussissant le tour de force d’y apporter de la tendresse. Peut-être qu’elle aime les gens.
Résumé :
Pas de corps reconnaissable, pas d’empreintes, pas de témoin. L’homme brûlé vif dans l’abri de jardin des Barlow est difficilement identifiable. Pourtant la police parvient assez vite à une conclusion : il s’agit d’un travailleur immigré estonien, Jaan Stepulov. Ils sont nombreux, à Peterborough, ceux qui arrivent des pays de l’Est, et de plus loin encore, à la recherche d’une vie meilleure. Et nombreux sont ceux qui voudraient s’en débarrasser. Les deux policiers qui enquêtent sur le meurtre, Zigic et sa partenaire Ferreira, ne l’ignorent pas. N’éliminant aucune piste, le duo pénètre dans un monde parallèle à la périphérie de cette ville sinistrée par la crise économique, là où les vies humaines ont moins de valeur que les matériaux utilisés sur les chantiers de construction. Là où tous les chemins peuvent mener au crime de haine.
Mon avis
Premier roman de l’auteure, les chemins de la haine aborde un thème inhabituel. Inhabituel quant aux migrants considérés, ceux des pays de l’Est et non pas les pakistanais, dont la condition n’est pas plus enviable en Angleterre, mais aussi inhabituel quant au sexe de ces migrants, puisqu’on va s’intéresser à un meurtre d’homme, brûlé vif dans une cabane fermée.
Ce que j’ai particulièrement aimé dans ce roman, outre l’écriture nerveuse et sèche, avec cette âpreté tendre si propre aux femmes écrivains, ce sont les personnages, tous en demi-teinte, et (presque) tous attachants et énervants à la fois. Le choix des nationalités, des genre, des positionnements sociaux est si habilement fait que, sans jamais donner de leçon magistrale, Eva Dolan nous projette dans le quotidien, mais aussi les rêves et les détestations de ces êtres de papier. En nous montrant la diversité des points de vue sans prendre parti elle-même, elle nous interroge aussi sur le poids que notre propre passé exerce sur notre vision des choses. Petite-fille d’immigrés espagnols poussés par la misère en France, je me suis retrouvée dans le personnage de Ferreira, mais aussi celui de Zigic.
Le monde que nous montre Eva Dolan n’est pas joli, il n’a rien de l’eldorado promis ni du pays de cocagne qu’on trouvé nos grands parents. Il est hostile, il est cruel, il est sans pitié, il est sale, il est juste à côté de chez nous et ça fait mal au coeur.
Pas de surenchères d’action ou d’effets climatiques, des enquêteurs réalistes et crédibles qui sont aussi de vrais personnages de romans, sincères et attachants, un sujet inhabituel, une écriture maitrisée, Eva Dolan réalise avec Les chemins de la haine un sans faute.