Glacé (Bernard Minier)
Du glauque bo-bo creux mais efficace. Un peu comme lorsque tu lis du Harlan Coben. Tu sais qu’il n’y a aucune réflexion à mener derrière, que c’est juste des mots et de l’action ; ton intellect te dit que tu pourrais avoir des lectures un peu plus élevées – oui, dans le polar, il y a des tas de lectures élevées possibles, comme celle-ci, ou celle-ci par exemple -, mais tes bas instincts te poussent à continuer. Dommage que ça repose sur une invraisemblance (non non, t’inquiète, je ne vais pas spoiler).
Ce deuxième roman confirme la première impression ressentie. J’ai la sensation de lire comme du Harlan Coben, sauf que l’un vous accroche avec ses “Et si” et Minier avec une ambiance et un point de départ un peu beurk. Dans les deux cas, je n’aurais pas réfléchi et j’aurai oublié l’intrigue en quelques mois, mais dans l’intervalle la lecture n’aura pas été désagréable ni trop sollicité mes neurones.
De positif, je retiendrai ceci :
- C’est bien écrit, j’entends par là que l’écriture se fait oublier.
- Les personnages sont bien campés, ils ont chacun leur psychologie propre. Beaucoup trop caricaturaux à mon goût, au point qu’on dirait parfois que l’auteur coche des cases, mais bien différenciés, ce qui n’est pas le cas d’un tas de polars que je n’ai pas du tout aimés comme La fille sans peau.
- Il y a une atmosphère et c’est la grande force de Miniez. Le début du livre est à cet égard vraiment époustouflant, c’est après que ça dérape. On sent l’ambiance particulière de cette vallée, le poids de l’isolement, accentué par la neige, l’ambiance glauque des lieux visités.
- On a envie de savoir ce qu’il va se passer. Rien à dire. Malgré tout ce que je peux reprocher au roman, je voulais savoir ce qu’il allait se passer après.
Sur le négatif, il y a pas mal à dire aussi :
- J’ai horreur, mais vraiment horreur des leçons de morale à deux balles assénées entre deux pages. Que l’auteur ait des convictions ne me pose aucun problème. Que ses opinions ne soient pas les miennes ne pose aucun problème. Mais qu’on me glisse entre deux pages d’action dix pages de pamphlet, ça, ça a le don de m’irriter. Les polars nordiques ont connu le succès grâce à la critique sociale qui était étroitement imbriquée dans l’enquête policière. Hennig Mankell était passé maître du genre, qu’il a popularisé, en explosant l’image romantique et idéale que tout le monde avait du modèle social-démocrate suédois. Ce qui est magistral chez ses auteurs et ses collègues (Jon Michelet, Stieg Larsson, Jo Nesbo, Gunnar Staalesen, etc.), c’est que l’enquête policière, toute aussi passionnante et haletante soit-elle, est matière à dénonciation. En l’occurrence, on sent bien dans Glacé une petite tentative de s’inscrire dans cette dynamique, mais elle tombe complètement à plat. On a l’enquête, et on a des personnages qui expriment des opinions débarquées d’on ne sait où. On comprend bien que pour l’auteur, les patrons, l’argent, le profit, l’entreprise, tout ça, c’est le mal, mais il n’y a pas vraiment de rapport avec l’histoire. Du coup, ça m’énerve, parce que je n’ai pas envie de lire un manifeste de Fakir pendant que je me relaxe avec un thriller.
- Il n’y a pas de thème. Ok, on cherche un meurtrier, mais le thème derrière ça… On n’apprend rien non plus, on n’a pas à réfléchir sur soi-même, sur ce qu’on aurait, sur le pourquoi et le comment… un peu comme un petit vin de pays. C’est pas désagréable, mais c’est court en bouche. Pas sur que je me souvienne de quoique ce soit dans un an.
- Un des pivots du roman repose sur un truc impossible. Alors toi, lecteur qui ne connait pas la loi, tu t’en fiches, mais moi, j’ai un peu l’impression d’être prise pour une pomme. Comme si l’auteur soit n’avait pas fait l’effort de bétonner son histoire (=paresse intellectuelle, péché mortel), soit s’était dit “de toutes façons, ils n’y connaissent rien” (=foutage de gueule des lecteurs, péché mortel). Dans les deux cas, c’est pas joli joli. Tu comprendras que je ne puisse pas en dire plus pour ne pas spoiler, mais je suis ouverte aux mp.
- La pédanterie de Servaz avec ses citations latines. Je sais qu’on nous dit dans les cours d’écriture de caractériser le personnage, mais là, c’est vraiment too much. Associé avec le paragraphe précédent…
Résumé :
Décembre 2008, dans une vallée encaissée des Pyrénées. Au petit matin, les ouvriers d’une centrale hydroélectrique découvrent le cadavre d’un cheval sans tête, accroché à la falaise glacée.
Le même jour, une jeune psychologue prend son premier poste dans le centre psychiatrique de haute sécurité qui surplombe la vallée.
Le commandant Servaz, 40 ans, flic hypocondriaque et intuitif, se voit confier cette enquête, la plus étrange de toute sa carrière. Pourquoi avoir tué ce cheval à 2 000 mètres d’altitude ? Serait-ce, pour Servaz, le début du cauchemar ?
Le cercle (Bernard Minier) – Mes polars et le reste
juillet 3, 2020 @ 4:59
[…] Le bord de l’abîme (un one-shot qui n’a rien à voir avec Servaz) et un moins bon avec Glacé. Comme j’avais le livre sous la main, je me suis entêtée avec Le cercle. Pour te la faire […]