C’était prévisible, je n’ai pas aimé. Ce que tu as fait de moi est, à mon sens, le traitement convenu et sans souffle d’un thème classique, celui des passions destructrices. Ça aurait pu être sulfureux et malsain, c’est juste médiocre.
Résumé
Personne n’est assez fort pour la vivre.
Personne n’est préparé à l’affronter, même si chacun la désire plus que tout.
La passion, la vraie…
Extrême.
Sans limites.
Sans règles.
On se croit solide et fort, on se croit à l’abri. On suit un chemin jalonné de repères, pavé de souvenirs et de projets. On aperçoit bien le ravin sans fond qui borde notre route, mais on pourrait jurer que jamais on n’y tombera. Pourtant, il suffit d’un seul faux pas. Et c’est l’interminable chute.
Aujourd’hui encore, je suis incapable d’expliquer ce qui est arrivé. Si seulement j’avais plongé seul…
Cette nuit, c’est le patron des Stups, le commandant Richard Ménainville, qui doit confesser son addiction et répondre de ses actes dans une salle d’interrogatoire. Que s’est-il réellement passé entre lui et son lieutenant Laëtitia Graminsky ? Comment un coup de foudre a-t-il pu déclencher une telle tragédie ?
Si nous résistons à cette passion, elle nous achèvera l’un après l’autre, sans aucune pitié.
Interrogée au même moment dans la salle voisine, Laëtitia se livre. Elle dira tout de ce qu’elle a vécu avec cet homme. Leurs versions des faits seront-elles identiques ?
Si nous ne cédons pas à cette passion, elle fera de nous des ombres gelées d’effroi et de solitude.
Si nous avons peur des flammes, nous succomberons à un hiver sans fin.
La passion selon Karine Giebel… conduit forcément à l’irréparable.
Mon avis
C’est du Giebel, sans suprise. Je pense que les afficionados s’y retrouveront sans souci. Je ne suis pas du tout fan de l’écriture de Giebel, donc mon avis est forcément biaisé, au départ.
La structure est classique, assez linéaire, sans créativité mais sans carence non plus : l’histoire débute par la garde à vue de deux flics dans un contexte dramatique qui n’est pas expliqué. La version des faits de chacun d’entre eux est recueillie par des flics différents. Chacun des deux gardés à vue déroule le fil de leur histoire commune : un fait, un mauvais choix, une conséquence. Un fait, un mauvais choix, une conséquence. Ca m’a un peu fait penser à la méthodologie du commentaire d’arrêt que j’enseignais en droit, c’est te dire si j’ai trouvé ça passionnant.
De quoi ça parle ? C’est le sujet qui m’a incitée à lire ce roman.
L’histoire d’une passion plus forte que ses protagonistes, d’une passion qui les détruirait.
J’ai vu pas mal de critiques ça et là sur une amoralité du roman, qui essaierait de faire croire que d’un crime peut naître une passion. Effectivement, cette “passion” débute par un fait susceptible de la qualification de crime.
Dans un contexte de débat gouvernemental contre les violences faites aux femmes, je comprends que certaines soient chatouilleuses, mais je ne vois vraiment pas de quoi fouetter un chat. Les passions destructrices entre deux êtres qui se combattent et qui s’emboîtent, c’est plutôt le synopsis d’une tragédie grecque (=rien de nouveau sous le soleil) qu’une invention de Giebel. Des histoires beaucoup plus sulfureuses et dérangeantes ont été écrites, dites et filmées. Je pense notamment à Lunes de Fiel, de Polanski, profondément sulfureux, amoral, destructeur, mais aussi très dérangeant pour le spectateur qui est pris à partie.
Pour dire les choses plus simplement, je ne comprends pas que des lecteurs de polars et de thriller soient choqués.
Karine Giebel se livre ici, à mon sens à un exercice assez convenu, la valse hésitation d’une femme qui hésite entre se soumettre à l’homme qui l’a violée – mais dont elle a retiré un plaisir inédit, et utiliser son sexe pour retourner l’arme contre son agresseur ; le dit agresseur est un pépère tranquille rendu fou de désir par sa collègue qu’il saoule et drogue pour se livrer sur sa personne à des viols collectifs avec son lieutenant de toujours.
On est sur un thème passionnant, cette frontière qui se brouille lorsque le corps désire quelque chose qui révulse l’esprit.
Malheureusement, ce thème n’est pas vraiment exploré. Ça se finit mal – c’est du Giebel, ça ne surprendra personne. Le style est conforme à celui de l’auteur, je le trouve maladroit, le vocabulaire assez pauvre, les dialogues sans percutance. La psychologie des personnages n’est pas vraiment fouillée. Ils ne sont pas tout d’un bloc, mais je n’ai décelé aucune finesse de réaction ou d’émotion, rien qui puisse me rappeler que nous appartenons, eux et moi, à la même espèce, celle des humains parfois frappés de désir, parfois pétrifiés de leur propre audace, saisi d’angoisse devant leurs transgressions, le genoux tremblants de recommencer.
Je n’ai développé aucune empathie avec la victime, qui ne cesse de revenir vers ses agresseurs d’une manière parfaitement incompréhensible, sans raison ni émotion ; je n’ai même pas développé de répulsion envers les violeurs, qui sont des types médiocres à l’affût d’un bon coup, prêts à tout pour tremper leur biscuit dans cette sauce là.
Pour finir : le sujet, bien que sans grande originalité, est intéressant. La descente aux enfers progressive d’un homme et d’une femme profondément attirés l’un par l’autre dans un contexte de relation non assumée malsaine a donné lieu à plusieurs chefs d’oeuvre. Rien de tout cela ici ; on assiste à un empilement de circonstances, suivies de mauvais choix, suivi de conséquences délétères, le tout s’inscrivant dans un cercle vicieux qui, malheureusement, ne semble à aucun moment inéluctable et ne prend pas aux tripes. Ils auraient pu s’entretuer à la troisième scène, j’aurai gagné du temps et j’ai le sentiment que je n’aurais rien manqué.