Tu aimes sortir des sentiers battus ? Viens donc voir par là. Dans dix ans, à mon avis, tu seras super fier de remonter tes lunettes sur ton nez (même si tu n’en as pas aujourd’hui, tu en auras dans dix ans) en racontant à qui veut l’entendre : “Laurine Valenheler ? Mais ça fait dix ans que je la lis ! J’ai acheté son premier bouquin, un olni autoédité”.
Parce que contrairement à ce que tes préjugés sur l’autoédition peuvent te suggérer en regardant la couverture, elle est auto-éditée.
Résumé :
Au cœur de l’hiver 2017, quatre ans après les débats sur le projet de loi “Mariage pour Tous”, plusieurs couples d’hommes sont retrouvés morts en petite couronne de Paris. Sur les scènes de crime, la signature marque les esprits : entre les corps des victimes sont retrouvés des triangles de tissu, roses comme le symbole de la persécution des homosexuels sous le IIIème Reich.
Pour l’équipe de Maël Néraudeau et Yohann Folembray, lieutenants à la Section criminelle du SDPJ 94 et partenaires à la ville comme à la scène, le compte à rebours est lancé. Le mot d’ordre est sur toutes les lèvres, y compris celles de la presse : mettre la main sur l’assassin et enrayer la vague de folie meurtrière. Mais face à un criminel aussi obscur qu’imprévisible, les enquêteurs se retrouvent désarmés, et ce malgré l’appui d’un capitaine de la Brigade des crimes sériels de l’OCRVP venu se greffer à la section pour les assister. Le sadisme du meurtrier se révèle alors sans limite lorsque l’affaire prend un virage dramatique pour les deux coéquipiers et amants. Entre les plaies endormies qui se réveillent et la colère qui les déchire, affectant l’équilibre du groupe, le terrain est plus libre que jamais pour le Tueur au Triangle Rose, qui profite de la diversion pour passer à la vitesse supérieure et parachever son acte final…
Mon avis :
D’abord, Laurine a une plume exceptionnelle. Va lire sa bio si tu ne me crois pas. Elle ne se prend pas au sérieux et en même temps, il y a une rigueur dans l’écriture qui est, honnêtement (tu sais comme je suis critique sur le sujet), très très rare, surtout dans le polar qui est, comme chacun le sait, un bas morceau de la littérature. S’il y avait UNE bonne raison de la lire, c’est son style. Qu’elle décrive les conflits et les tensions, ou qu’elle parle d’amour, ses mots sont toujours précis, juste, avec ce mélange incroyable de vocabulaire très riche mais pas du tout pédant. Ajoutons, pour détruire totalement tes a priori sur l’auto-édition, que la mise en page est impeccable et que les coquilles font depuis longtemps du compost au fond du jardin.
Ensuite, c’est un livre engagé. Laurine ne laisse pas de place à une opinion dissidente, elle ne laisse pas le lecteur se faire une opinion, elle bulldozerise toutes les objections, les réticences et les clichés sur l’homophobie ordinaire. Forcément, par moment, ça déborde, mais c’est pas avec un bulldozer qu’on fait de la dentelle, faut pas rêver non plus. Il y a quelque chose de sociologique dans sa façon d’écrire du romanesque, sociologique engagé, au sens des époux Pinçon. C’est sur que si tu es homophobe, passe ton chemin, tu risques d’en prendre plein la tête – mais si tu es un humain empathique, même si tu es un peu homophobe sur le bord des coutures, tu vas peut-être prendre conscience aussi de réalités bien puantes dans le soi-disant pays des droits de l’homme.
Venons-en aux personnages. Ça sent la testostérone du début à la fin du livre, ce qui est un sacré tour de force pour une petite nana aussi jeune. Les personnages sont bien différenciés, chacun leur caractère, des défauts, des faiblesses, des forces, des inquiétudes, des manies. Je parierai un stylo qu’elle ne s’est pas contentée d’ouvrir son fichier Word et d’écrire au fil de l’eau. Il y a du travail derrière pour donner à tous ces hommes (il y a quelques femmes, mais pas très présentes) une épaisseur et une consistance propres à leur donner vie.
Forcément, comme c’est vivant, jeune et engagé, il y a des défauts. Mais tu sais quoi ? Je n’ai pas du tout envie d’en parler, parce qu’ils sont recouverts, engloutis par cette formidable force de vie et de conviction qui mérite qu’on ne regarde qu’elle.
Et sinon :