L’absence, la disparition d’un être cher, thème à la fois rebattu et pourtant toujours d’actualité trouve un éclairage intéressant avec ce nouveau livre de Nicolas Lebel.
Les personnages principaux du roman ont tous à gérer, d’une manière ou d’une autre, une absence : mort, disparition, évanouissement ? Ils sont tous dans le brouillard et l’épilogue sanglant a certainement donné son titre au roman. Ils le font d’une façon différente, qu’on peut ou pas approuver, mais qui est expliquée de telle manière qu’on la comprenne, que la démarche de chacun soit explicable.
Dans la brume écarlate est un bon polar, qui promet un bon moment de divertissement et pas mal de réflexion.
Je salue la construction et l’originalité des personnages, qui sont tous humains, c’est à dire complexes, ni blancs, ni noirs, même si j’ai eu du mal à m’identifier – manque de personnage féminin d’envergure, probablement – ce qui est plutôt étonnant, parce que c’est un roman plutôt féministe. Je salue aussi l’écriture, fluide et sans accroc, qui sait se faire oublier par un vocabulaire suffisamment riche et sans ampoule.
Je salue les descriptions, parfaitement imagées : “Une jeune femme dessinée par Manara et habillée par Marvel“, et pof ! elle se matérialise dans ton esprit (et non, je ne me suis pas identifiée, on n’a pas le même dessinateur).
Lebel prend des positions assez tranchées sur des sujets d’actualité, et des positions plutôt originales, notamment sur la condition des femmes :
“Tu sais quoi, Je me dis parfois que si ces affaires de femmes battues n’étaient pas confiées à des hommes qui “ne peuvent rien faire”, on aurait peut-être réduit cette violence depuis longtemps“.
“Le monde occidental avait découvert avec effroi, dans un bêlement planétaire, que les femmes du XXIème siècle continuaient de subir harcèlement, insultes, agressions sexuelles et violences à tous les niveaux de la société, parce qu’elles étaient femelles, parce que, depuis le jardin d’Eden, Ève la pécheresse et ses descendantes avaient servi de sac de frappe et d’exutoire fanatique à la moitié couillue de l’humanité, aux Adams revanchards et aux dieux masculins de toutes les civilisations“.
“Aujourd’hui, on percevait encore le célibat d’une femme comme la dernière des tares, et chacun de ses proches s’ingéniait à proposer untel, l’ami d’amis, souvent Prince des Tocards ou Archiduc des Blaireaux, parce que à leurs yeux il valait mieux qu’une femme fut mal accompagnée que seule. Il en allait ainsi depuis la nuit des temps : la femme seule ne savait pas se tenir“.
Ce que j’ai moins aimé : c’est d’avoir deviné la fin (j’ai honte d’écrire deviné, je crois que je n’ai rien eu à deviner, que tout est écrit noir sur blanc) entre la moitié et les deux tiers du livre et, si l’écriture est plaisante, ça a rendu la fin de lecture un peu pesante, téléphonée, convenue, ce qui est dommage.
C’est mon premier Lebel et je continuerai de lire cet auteur.
Résumé : Une femme se présente au commissariat du XIIe et demande à voir le capitaine Mehrlicht en personne.. Sa fille Lucie, étudiante, majeure, n’est pas rentrée de la nuit. Rien ne justifie une enquête à ce stade mais sait-on jamais… Le groupe de Mehrlicht est alors appelé au cimetière du Père Lachaise où des gardiens ont découvert une large mare de sang. Ils ne trouvent cependant ni corps, ni trace alentour. Lorsque, quelques heures plus tard, deux pêcheurs remontent le corps nu d’une jeune femme des profondeurs de la Seine, les enquêteurs craignent d’avoir retrouvé Lucie. Mais il s’agit d’une autre femme dont le corps exsangue a été jeté dans le fleuve. Exsangue ? Serait-ce donc le sang de cette femme que l’on a retrouvé plus tôt au Père Lachaise ? La police scientifique répond bientôt à cette question : le sang trouvé au cimetière n’est pas celui de cette jeune femme, mais celui de Lucie…
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