Octobre (Soren Sveistrup)
J’ai aimé. Genre lâche ta lecture du moment, celui-là, c’est une pépite.
Résumé
Début octobre, dans la banlieue de Copenhague, la police découvre le cadavre d’une femme amputée d’une main. À côté du corps, un petit bonhomme fabriqué à partir de marrons et d’allumettes. Chargés de l’enquête, la jeune inspectrice Naia Thulin et l’inspecteur Mark Hess découvrent vite que cette figurine est porteuse de mystérieuses empreintes : celles de la fille de Rosa Hartung, ministre des Affaires Sociales, enlevée un an plus tôt et présumée morte. Thulin et Hess explorent toutes les pistes qui leur révéleraient un lien entre la disparition de la fille de la ministre et la victime à la main coupée. Lorsqu’une autre femme est tuée, selon le même mode opératoire, ils comprennent que le cauchemar ne fait que commencer…
Mon avis
Je n’avais pas lu le résumé. Je n’ai pas réussi à aller jusqu’au bout de The Killing, parce que la lenteur de l’intrigue m’a tuée, mais j’y suis allée quand même parce que je saturais des polars français et que j’avais le souvenir d’une intrigue bien ficelée.
L’histoire que raconte Octobre est à la fois bouleversante et glaçante. On aurait pu en faire un drame social, un pamphlet politique. Sveistrup en fait un polar mâtiné de thriller. Ce qui signifie à la fois du mystère, mais aussi de la tension, de l’anticipation, du frisson.
Je n’ai pas été déçue. Dans ce polar/thriller, il y a absolument tout :
– une belle ouverture. Le genre qui t’accroche dès les premières lignes. The hook, disent les anglophones, le crochet. Deux paragraphes et j’étais embarquée.
– une intrigue structurée. Tu le sais maintenant, une histoire linéaire qui se contente d’égrener des faits, des actions et des réflexions ne m’intéresse pas. Je veux des hauts, des bas, des périodes d’accélération, des éléments suspendus, et je déteste les temps morts. Le seul moyen d’avoir tout ça, c’est de bien structurer son récit, d’entrecroiser plusieurs trajectoires qui se tissent, se nouent, avec du rythme. Il y a tout ça.
– des personnages denses et crédibles. Les personnages sonnent juste. Je ne les aime pas plus que ça : Hess m’énerve avec son indécision, je n’apprécie pas la féminité de Thulin, mais ça ne m’a pas empêchée de ressentir leurs émotion, de compatir à leurs problèmes comme s’ils étaient des voisins, des amis ou des membres de ma famille. Pas de brusque flambée de colère pour animer une scène un peu plate. Leurs émotions sont des conséquences. Elles ne sont ni amplifiées, ni minimisées, mais transmises. Le type alcoolique n’est pas alcoolique pour faire joli. Et son comportement est typiquement celui d’un alcoolique.
– une écriture juste. Pas de fausse philosophie, le vocabulaire est simple bien que riche, les phrases sont percutantes. L’écriture s’efface au service de l’histoire. Aucune erreur de style. Je suis un peu dubitative sur le choix du présent de l’indicatif, qui occasionne à mon avis trop de problèmes de concordance des temps, des questionnements qui font lever la tête et cassent parfois le rythme.
– une résolution que tu ne vois pas venir. Sauf quand tu relis le livre, parce que tu n’es plus pris dans l’histoire. Et encore. Les indices sont surtout de légères incohérences que tu remarqueras sans doute immédiatement, mais que tu relégueras au deuxième plan de tes pensées. Brillant.
– une histoire à thème. Sveistrup nous parle du mensonge, de ceux qu’on commet volontairement, qui nous attirent des emmerdes ou nous sortent de l’ornière, de ceux qu’on raconte sans trop savoir pourquoi, de ceux qui ont une signification différente pour les uns et les autres et de l’avalanche de conséquences qui s’ensuit.
Evidemment, ce n’est pas un livre sans défaut. On peut toujours refaire le match, dire que l’auteur aurait pu faire un peu plus ceci et un peu moins cela. Je n’ai même pas envie de tomber là dedans. L’ensemble est extrêmement cohérent et je pense que ce livre est un futur pilier du polar, un futur classique.
Ce n’est pas un coup de coeur, plutôt la promesse d’un amour profond et solide ;).
Dans son silence (Alex Michaelides) - Mes polars et le reste
octobre 23, 2019 @ 9:10
[…] C’est une histoire prenante. A la manière de L’affaire Henry Québert, parce qu’il n’y a pas de suspense haletant, pas de grandes actions. Juste une histoire, dont tu as envie de connaître les tenants et les aboutissants. La plume est ciselée, les personnages attachants et intrigants, l’intrigue bien ficelée, avec ce qu’il faut de ups and downs pour t’inciter à tourner les pages. Pourquoi ne parle-t-elle pas ? POURQUOI NE PARLE-T-ELLE PAS? Aux deux tiers du livre, je me suis dit, c’est bon, j’ai pigé, je ne peux pas exactement tout expliquer, mais j’ai l’idée générale du pourquoi et du comment. Perdu. Perdu, triple perdu et pourtant, j’avais tout sous le nez depuis le début. Et c’est ce que j’adore. Me faire balader, non pas parce que l’auteur invente des trucs de dernière minute ou parce qu’il tait volontairement des informations cruciales. Je me suis fait balader parce que je n’ai pas été assez attentive et que je n’ai pas regardé où il fallait.Bien fait. Le bonheur du lecteur de polar !A ceci s’ajoutent des références à la psychothérapie qui ne sont ni ennuyeuses, ni banales. On est loin de l’auteur qui a lu trois articles de Wikipedia pour s’acculturer et ça n’est ni pédant, ni trop perché. Bref, j’ai appris des choses intéressantes sur le sujet.C’est brillant, c’est érudit, c’est maîtrisé, ça restera comme un de mes coups de coeur de l’année (et Dieu sait si j’en avais besoin) avec Le Cheptel, Surface et Octobre. […]